jeudi 31 mars 2011

Last Of The Country Gentlemen, JOSH T. PEARSON, Mute Records, mars 2011 (Par Gagoun)



       Alors qu'on ne l'attendait plus, voilà qu'un OVNI débarque d'on ne sait trop où sur notre bonne vieille terre. Cet OVNI n'est autre que Josh T. Pearson dont le seul fait d'armes discographique est un double album aussi génial qu'oublié sorti au début des années 2000 avec son groupe d'alors Lift To Experience... Le frontman texan se retrouve alors tel un poor lonesome cowboy à errer dans les sphères musicales underground, de concerts intenses en concerts intenses vous diront certains, avec sa seule guitare pour compagne, chapeau vissé sur le crâne et barbe de euuuuh... cent ans ?!!?

       Un personnage atypique donc qui, lassé par les critiques de l'époque ''Lift To Experience'' s'est éloigné d'un monde qui ne semblait pas vraiment lui correspondre. Et pourtant, cet homme possède dans sa voix, dans son interprétation, quelque chose qui tient de la grâce. Et de grâce parlons en tiens. M'est avis en effet que, parmi tous ces chanteurs à voix haut perchée comparés systématiquement à un autre OVNI répondant au doux nom de Jeff Buckley, le texan tient une vraie place de choix, pour le coup loin d'être usurpée. Plus qu'une question de technique vocale, il s'agit vraiment d'aura, de majesté et d'intemporalité.

       Outre la voix, voilà aussi ce qui ressort de ce premier album solo. Un album sobre et dépouillé qui voit Josh interpréter une folk sombre et lumineuse à la fois, se laisser aller au fil des minutes avec simplement sa guitare acoustique. Un disque brut dans lequel son auteur se met à nu, qui n'a aucune autre prétention que l'expression pure et simple d'un homme, sa voix et son instrument. Enregistré en deux nuits à Berlin, cette oeuvre possède l'urgence de l'émotion notamment due à une production brute et à une forme dénuée de tous artifices. Si cet album agit donc comme une sorte de catharsis, il apparaît paradoxalement aussi comme hors du temps, suspendu dans les airs grâce aux paroles et au ton presque solennels, apaisants, voire religieux qu'ils dégagent. Cette galette n'est donc pas sans rappeler le Pink Moon de Nick Drake, dans son besoin vital d'expression, la dureté de son enveloppe et l'aura qui rayonne par dessus celle-ci.

       La mélancolie permanente qui en ressort est donc particulièrement touchante, les sept chansons sont juste belles. Elles prennent leur temps, approchant parfois les dix minutes, sont composées de mélodies qui se font et se défont au sein du même morceau, d'envolées furtives, de chuchotements... puis de silences comme autant d'inspirations avant de repartir de plus belle. Ces mêmes chansons sont ornées de manière discrète et ponctuelles de violons gracieux assurés en grande partie par l'excellent Warren Ellis (Nick Cave and The Bad Seeds, Grinderman, Dirty Three) et qui viennent magnifier un moment, un arpège, une parole. Enfin, la clôture de l'album : quelques notes de piano... puis des choeurs viennent soutenir la voix de notre cowboy lunaire afin d'accentuer ce côté religieux. Comme pour boucler la boucle, en écho à la fin de son album regretté... Mais si, rappelez-vous, Lift To Experience... la première partie de leur unique album se terminait déjà sur une envolée de choeurs.

       Pendant ces dix années Josh T. Pearson s'est donc débarrassé de cette enveloppe électrique presque charnelle qui caractérisait ses débuts. Il se montre ici, dans son intimité, à fleur de peau, met à nu son âme, une très belle âme, assurément.

       Pourvu que ce nouvel album ne le fasse pas fuir encore dix ans. Ceci étant, s'il s'agit de la maturation nécessaire à la composition de ces chansons, je serais, à l'image de son oeuvre, patient et serein dans l'attente d'un nouveau petit miracle... A écouter quelque part, n'importe où la nuit, les yeux rivés vers les étoiles...

Gagoun

Last Of The Country Gentlemen en trois mots : intemporel, mélancolique, apaisant


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • The Texas Jerusalem Crossroads, LIFT TO EXPERIENCE, Bella Union, 2001 : Difficile de ne pas évoquer le seul témoignage de ce groupe unique lorsque l'on se penche sur le parcours de Josh T. Pearson. Encore dix ans et on classera ce disque dans la catégorie des albums maudits et mésestimés. Un style singulier rassemblant le meilleur de Jeff Buckley, la alt country texane, le noise-rock et le post-rock les plus inspirés. Tout ceci au sein d'un double album concept et donc cohérent. Quand un OVNI en précède un autre...

  • Grace, JEFF BUCKLEY, Columbia, 1994 : Seul album sorti de son vivant, Grace est le chef-d'oeuvre de Jeff Buckley pour toute une génération fascinée par le chant habité  du monsieur et son rock unique, à la fois fervent, majestueux, fragile et capable d'explosions magistrales. Si cet amoureux de Leonard Cohen avait vécu plus longtemps, peut-être aurait-il eu l'envie de sortir un album accompagné de sa seule guitare...

  • Songs of Love and Hate, LEONARD COHEN, Columbia, 1971 : un joyau noir, cette oeuvre intimiste, simple et dépouillée est souvent considéré comme l'album le plus sombre de l'artiste. Peut-être le plus beau aussi... Suffit d'écouter "Famous Blue Raincoat" pour s'en convaincre...

  • Pink Moon, NICK DRAKE, Island, 1971 : petite perle rare de la folk anglaise, cet album a été enregistré par un artiste méconnu de son vivant en deux sessions de deux heures chacune. Sans fioritures, ces ballades mélancoliques s’enchaînent avec des mélodies lumineuses et dépouillées. Cela ne vous rappelle-t-il rien? Cette oeuvre est aujourd'hui un classique du genre...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire