samedi 1 octobre 2011

Unison, UNISON, Lentonia Records, Septembre 2011 (Par Riton)



       Logo acéré (signé Christophe Szpajdel, l'homme derrière les logos d'Emperor, Enthroned ou encore Tsjuder pour les plus connus...), grisaille et figures fantomatiques (deux petites filles au regard perdu, au bord d'une route)... Unison n'est pas un groupe de black metal comme les autres! Probablement parce qu'Unison n'est pas du tout un groupe de black metal. Et si le cadre noircit le tableau, l'oeuvre n'en est pas moins sombre : point de démons et d'outre-tombisme mais la pesanteur d'une atmosphère glaciale et obscure transpire à travers le premier album de ce couple de musiciens niortais. Mélanie Moran, chanteuse, et Julien Camanera aux machines et à la guitare, essuient les plâtres de ce qui à tord a mondialement été appelé Witch House (certains les considèrent même comme représentants du mouvement en France). Sans cesse injustement comparés aux très discutables Salem, le groupe préfère se définir comme "deathgaze"... comprendre par là la confluence de murs de son shoegaze et de rivières funestes. Impossible désormais de m'en cacher... un septembre pluvieux coule de mes enceintes.

       Dans un bain de nappes synthétiques, de boucles rythmiques azimutes d'une efficacité presque militaire, Unison est tour à tour planant, atmosphérique (l'instrumental "Arp Quad Rollerskate", le très Cocteau-twinien "First Degree"), mélancolique ("Harmless", "Darkness") et petit à petit les filiations certes existantes mais raccourcies prêtées au groupe s'effacent derrière une sensibilité réellement rock ("Lost Generation" et sa grosse caisse massive, "Brothers and sisters", sa ligne de basse médium, comme jouée au médiator, et une guitare discrète mais surprenante, bénie, tombée du ciel...). A la lourdeur du beat s'impose la mélodie, sublimée par la voix si délicate de Mélanie, à la fois sensuelle, sensible, parfois presque enfantine, étonnamment fragile. Si parfois lorsqu'il s'agit de chroniquer un disque certaines comparaisons semblent hasardeuses, les relans de Liz Fraser apparus à mon esprit paraissent justifiés (La chanteuse est certes inimitable mais pas ininfluante). Ou bien serait-ce tout simplement ma nostalgie coldwave qui refait une fois n'est pas coutume surface?.... le fond de catalogue de 4AD auquel je fais si souvent référence... (quand bien même ceux-ci dépoussièrent au compte-goutte à prix exorbitant).

       Quoiqu'il en soit Unison possédait en de nombreux points les qualités d'une future amourette... et ça n'a pas loupé! Absorbé mais insatiable... voracité de mélomane confrontée à la générosité d'un album viscéral, dépareillant par la même avec l'inévitable image shoegaze de musiciens, yeux baissés, fixés à leurs pédales. Au contraire ici tout est débordant d'altruisme : submergé d'émotions, la musique parait rapidement faite d'une seule couche d'éléments homogènes, à l'unis(s)on. Longtemps fâché avec l’électronique, Unison me rappelle avec force que synthétique ne veut pas dire inhumain.

       Longue vie à ce couple de talent!... suffisamment insolent pour avoir sorti dès le départ un coup de maître... suffisamment attachant pour donner envie d'entendre la suite...

Riton

Unison en trois mots : sombre, mélancolique, fragile


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Garlands, COCTEAU TWINS, 4AD, 1982 : Premier album de Cocteau Twins, Garlands n'est pas à proprement parlé l'album le plus populaire... (on préfère généralement parler de Treasure ou de Victorialand). Dans ce premier opus, on trouve déjà ce qui fera la signature du groupe... ce brin de nostalgie mélancolique, la voix si particulière de Liz Fraser... le tout est ici mêlé à des sonorités synthétiques, que le groupe délaissera pas la suite.

  • Future Songs, CRANES, Dadaphonic, 2001 : Impossible de parler de voix féminine presque enfantine sans évoquer un seul album des Cranes. La première fois que j'ai entendu Alison Shaw, j'ai eu envie de la consoler, la protéger, tant elle semblait fragile, menacée... au milieu de ce rock sombre et oppressant pratiqué par le groupe. Addictif... et attachant!

  • Stridulum II, ZOLA JESUS, Souterrains Transmissions, 2010 : Pour continuer avec les confidences, j'attendais le nouvel album de Zola Jesus (Conatus, sorti ce mois-ci) comme le messie... malheureusement la déception m'oblige à me reposer sur l'album précédent. Stridulum II... un electro-rock à l'enveloppe gothique, orchestré par une Nika Roza Danilova (non, ce n'est pas une joueuse de tennis) grandiloquente, impressionnante par sa présence et son charisme... déjà un classique!

  • Erostrate, CERCUEIL, Le son du maquis, 2011 : Il est toujours plaisant de faire la promotion d'un groupe de sa région... surtout quand celui-ci est passé rapidement de simple groupe local à international, et de façon plus que mérité... en offrant un rock electro sombre et lumineux à la fois, avec encore une fois la présence sensuelle d'une chanteuse des plus remarquables (Penelope)... c'était chronique à thème en fait?


The Year of Hibernation, YOUTH LAGOON, Fat Possum, Septembre 2011 (Par Gagoun)



       Quand on sait que le Sieur qui se cache derrière Youth Lagoon, à savoir un p'tit jeune répondant au doux nom de Trevor William Powers, vient de l'Idaho, la région où il fait bon être mélancolique, où spleen rime avec montagnes enneigées, lacs gelés et grands espaces, on ne peut s'étonner d'une telle musique. Une pop légère et fragile que Jeff Martin n'aurait pas reniée. Des perles en cascade comme autant d'hymnes à la mélancolie, à la beauté et à la mélodie simples, de celles qui vont droit au cœur, sans détours, sans fioritures et qui vous restent dans la tête des heures durant.

       Youth Lagoon c'est un petit miracle venu de nulle part, un p'tit gars solitaire, au spleen persistant, qui s'est mis à faire de la musique tout seul chez lui avec ses claviers, guitares et quelques boucles electro. Vous avez sûrement déjà entendu cette histoire, c'est aussi celle d'un certain Justin Vernon, alias Bon Iver ou encore de Peter Silberman évoluant au sein de The Antlers. De nos jours beaucoup d'artistes utilisent la méthode "Do It Yourself" pour se constituer un petit cocon et ainsi composer, enregistrer avec une liberté de ton indéniable et cracher à la face du monde, leur détresse, leur déprime. En ressortent alors quelques OVNI qui arrivent jusqu'à nos oreilles pour ne plus les lâcher. Pour Youth Lagoon, c'est bandcamp qui a fait office de moyen de communication. Distillant ces petits bijoux comme des miettes de pain durant tout cet été 2011 sur son site, l'auteur s'est fait une réputation grandissante par le bouche à oreille. Puis c'est la signature sur Fat Possum, label indé à tendance blues/rock qui a pourtant fait les yeux doux à ce petit prodige de la pop.

       Le résultat est à la hauteur des attentes suscitées l'été dernier. Il s'appelle The Year of hibernation, comme un hommage à la région qui l'inspire et cette autarcie créative dans laquelle il s'est plongé. C'est bien simple, les huit morceaux qui composent cet album finement ciselé sont tous plus beaux les uns que les autres. Difficile d'en sortir un du lot. Peut être serez-vous touchés par l'entrée rêveuse de Posters, la tubesque et presque dansante "Daydream" ou encore les deux sommets d'émotion que constituent "July" et "Montana". Peut être tomberez-vous amoureux de "The Hunt", conclusion élégante qui clôt l'album comme il l'a commencé, comme dans un songe... Au final cette œuvre est vraiment touchante, elle possède la grâce d'une douleur innocente, de mélodies dépourvues de toute complexité. Son immédiateté, sa sincérité ne sont pas sans rappeler le fabuleux "Hospice" de The Antlers. Cette voix haut perchée, fragile et légèrement en retrait, ces ritournelles magnifiques, ces mélodies pleines d'espoir qui font souvent les plus beaux albums mélancoliques...

       C'est l'histoire, donc, d'un p'tit gars qui nous livre ici un album magnifique, intime, léger et douloureux à la fois. C'est l'histoire d'un p'tit gars qui, espérons le, va grandir, grandir encore et nous prouver que, malgré le spleen qu'il suscite et qui existe finalement en chacun de nous, l'espoir existe, l'avenir aussi.

Gagoun

The Year of Hibernation en trois mots : beau, mélancolique, fragile


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • Hospice, THE ANTLERS, French Kiss Records, 2009 : Comme évoqué ci-dessus, beaucoup de similitudes entre ces deux albums. On ne parle pas ici de plagiat mais bien de ce que ces œuvres sont capables de susciter en terme d'émotion. A cet égard le troisième album (et un concept/album s'il vous plaît) de ce groupe américain à la sensibilité à fleur de peau est un véritable chef d’œuvre justement. Si la trame n'est pas très gaie puisque elle parle de l'expérience de vivre aux côté d'un proche à l’hôpital, sa musique regorge de très belles choses, entre folk, pop et indie rock très inspiré. L'album qu'aurait espéré faire un jour Arcade Fire?

  • Logos, ATLAS SOUND, 4AD, 2009 : Atlas Sound c'est Bradford Cox, songwriter génial de Deerhunter et donc en solo. Bricolage à la maison, sons distordus, folk décharnée, pop/rock étrange, electro bancale, un petit génie de ce nouveau siècle, incontestablement. Un sens de la mélodie captivant, un être brillant et mystérieux à la fois... Les amis sortez vos oreilles, son prochain album sort dans deux mois.

  • We Are Rising, SON LUX, Anticon, 2011 : Ryan Lott alias Son Lux nous a concocté, pour son deuxième album, un mélange précieux et subtil entre machines, cordes, guitares boisées et piano. Un résultat pop enchanteur qui fait de cet album, l'une des meilleures sorties de l'année en cours. Superbe!

  • The Age of Adz, SUFJAN STEVENS, Asthmatic Kitty, 2010 : Ici nous sommes loin du home studio solitaire de Youth Lagoon mais le déjà grand Sufjan nous montre sur son dernier album comment, avec du génie, des machines, un orchestre de poche et des guitares, on peut livrer un des meilleurs albums de pop des dix dernières années. Exit la légèreté, le versant grandiloquent d'un Youth Lagoon en quelque sorte...