mardi 1 novembre 2011

Western Teleport, EMPEROR X, Bar/None Records, Octobre 2011 (Par Gagoun)



       Emperor X n'est pas le dernier site porno à la mode. Emperor X est le projet musical du dénommé Chad Matheny, multi-instrumentaliste de son état. Encore un américain talentueux qui fait tout, tout seul ou presque chez lui, en Home Studio... Que c'est agaçant !! Le jeune musicien, adepte de folk, de lo-fi, de pop, a d'ailleurs une particularité, celle de multiplier les enregistrements K7, de les planquer un peu partout où il va et de faire jouer ses fans à « la carte aux trésors » en leur faisant miroiter les coordonnées GPS. Une version moderne des premiers enregistrements K7 de Daniel Johnston en quelque sorte, qui, lui, rejouait et réenregistrait son album à chaque commande d'un particulier avant de lui remettre en mains propres. C'est plus romantique mais moins rigolo.

       Pour ma part j'ai découvert Chad par l'intermédiaire de la page facebook d'un autre bidouilleur de génie : Ryland Bouchard, ex The Robot ate me, ne tarissant pas d'éloges sur le dernier album de son pote. Les nouvelles technologies, encore une fois...

       Dans ce Western Teleport, point de révolution musicale mais que du très bon, du très inspiré. Pendant une petite demi-heure, les perles pop s’enchainent de manière efficace et entraînantes. Surement l'album le plus cohérent du 'Sieur à ce jour. On est entraîné d'entrée par l'ouverture ''Erica Western Teleport'' et son refrain entêtant. Le reste de l'album est sur la même lancée, entre arrangements boisés, rythmiques parfois bancales, electro bidules savamment dosés, pianos qui grincent, voix un peu nasillarde et chœurs poignants. Les quelques envolées électrisantes sont assez jouissives je dois dire et viennent ajouter du punch à un album qui n'en manquait déjà pas. A cet égard on notera les magnifiques ''Allahu Akbar'' et ''Sincerely, H.C. Pregerson''. Le son, quant à lui, est racé, ample, avec sa petite touche Lo-fi qui fait toute cette chaleur humaine et qui vous donne envie de mettre à la poubelle tous les albums, avec guitares et batteries compressées, du monde.

Légèrement mélancolique mais pas trop, cet album est un petit bijou sur lequel, mine de rien, on revient souvent avec facilité, le genre d’œuvre dont on retient aisément les mélodies et qui passe tout seul et à tout moment de la journée. Rien de neuf donc, mais on s'en fout, pourvu que ce soit bon!

Gagoun

Western Teleport en trois mots : léger, pop, lo-fi

Pour jouer à « la carte au trésor » et découvrir l'album, c'est par ici :

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • Tectonic Membrane/Thin Strip on an Edgeless Platform, EMPEROR X, Snowglobe, 2004 : Un des nombreux albums du monsieur. Plus long, plus hétérogène aussi, cette album contient vraiment de très bonnes chansons dans le plus pur style lo-fi d'Emperor X.

  • Retired Box, DANIEL JOHNSTON, Stress Record, 1984 : Parce que l'on ne peut pas parler décemment de lo-fi sans évoquer Daniel Johnston, voici sa septième cassette. Artiste extrêmement prolifique, Daniel Johnston fait partie de ses petits génies un peu étranges mais ô combien influents. Ses albums contiennent parfois du déchet, sont souvent difficiles à écouter mais sont toujours touchants et contiennent de vraies perles à l'image de la fermeture de celui-ci : la superbe "True Love Will Find You in the End".

  • They Ate Themselves, THE ROBOT ATE ME, Swim Slowly, 2002 : Un modèle du genre que notre ami Chad a dû écouter une paire de fois. A la fois, boisé, rock, electro et électrique, cet album représente parfaitement la douce folie des cinq de San Diego, perpétuée désormais en solo par son leader, Ryland Bouchard.

  • We Shall all be healed, THE MOUNTAIN GOATS, 4AD, 2004 : Même approche lo-fi, même dynamisme dans son rock acoustique, The Mountain Goats possède quelques similitudes avec Emperor X et le timbre de voix de son leader John Darnielle n'est pas sans rappeler celui de Chad Metheny. A écouter avec insistance!

Dear And Unfamiliar, BIRDS OF PASSAGE & LEONARDO ROSADO, Denovali, Octobre 2011 (Par Riton)



       Dear And Unfamiliar, c'est une rencontre des antipodes... géographiques, mais pas musicales... fruit de la collaboration entre Alicia Merz, néo-zélandaise officiant sous le nom de Birds Of Passage, et Leonardo Rosado, artiste portugais protéiforme, musicien, poète, photographe... Chacun explore à sa manière deux facettes de la musique drone, empruntent des voies différentes mais sensiblement complémentaires et profitent le temps d'un album de l'opportunité de nous embarquer littéralement sur le fleuve d'une musique bicéphale : d'un côté la poésie de l'océanienne si merveilleusement interprêtée, et de l'autre les motifs borderline du lusitanien, le tout à travers un habituel flot de reverbe et d'écho... un voyage contemplatif au pays de la zenitude, sauf qu'ici exit les mélodies folkisantes du Without The World de la belle et place à une approche plus ambient et épurée.

       Un album orangé (l'artwork est tout droit sorti du pinceau de Leonardo Rosado) aux allures de procession spirituelle. Les deux musiciens (apparaissant en noir sur la pochette... du moins en toute logique) nous prennent par la main et nous emmènent quelque part entre l'Inde et les cieux. Mais attention le couple ne tombe pas dans le piège du trip new age sans saveur et fait les choses en grand. Les compositions de Leonardo Rosado s'avèrent être d'une rare finesse et d'une complexité déconcertante de beauté : ses synthés et ses quelques guitares se mélangent à des sonorités plus inconnues... concrètes... glitch... ou l'on ne sait trop quoi... parfois pulsées de manière extrèmement déconstruites ("You Wore Blue", "Of Your Charm" et ses percussions presques animales, "To Wander Slow With Me"...) parfois étirées sans autre point de repère que la voix si douce et rassurante d'Alicia (le magnifique "We'll Always Have Paris", le non-moins extraordinaire "Your Lullabies"...). S'en est à se demander si autre collaboratrice (ou collaborateur) aurait pu faire l'affaire tant cette voix parait ancrée, indissociable.

       A noter également l'excellent travail de production de Nils Frahm (lui-même a sorti un album solo des plus intéressants ce mois-ci... entièrement au piano), qui derrière l'apparente massivité des résonances de cette musique a réussi un tour de force en arrivant à laisser chaque détail s'exprimer... suffisamment pour qu'à chacune de mes écoutes ceux-ci m'apparaissent comme totalement nouveaux.

       Dear And Unfamiliar est un excellent album de soirée pré-sommeil et un encore plus magnifique album nocturne. Au milieu des excellents Grouper, Noveller ou encore Motion Sickness of Time Travel, la musique d'Alicia Merz n'est décidément pas de trop (on aurait au contraire pu craindre l'overdose de (dr)one-woman bands) et prouve avec cette collaboration qu'elle n'est pas qu'un oiseau de passage. La bonne nouvelle est qu'un prochain album, cette fois de nouveau en solo, est déjà prévu pour la fin d'année.

Riton

Dear And Unfamiliar en trois mots : zen, nocturne, complexe


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • Without The World, BIRDS OF PASSAGE, Denovali, 2011 : Premier album d'Alicia Merz sorti en 2010 et réédité cette année sur le label allemand. Probablement le plus folk des projets de ce genre... un premier album magnifique, des morceaux prenants pour les nuits d'hiver (mention spéciale à "Fantastic Frown", qui tourne en boucle chez moi depuis la découverte)

  • Opaque Glitter, LEONARDO ROSADO, FeedBackLoop, 2011 : Un tour de démonstration de drone ambient poignant, intelligent, essentiellement instrumental. Que dire de plus à part que cet album pourrait être une bonne porte d'entrée au style en général...

  • Tragedy, JULIA HOLTER, Leaving Records, 2011 : Cet album de Julia Holter est comme qui dirait légèrement passé à la trappe lors de sa sortie en septembre (du moins presque, Pitchfork m'a devancé en le chroniquant il y a quelques semaines). Pourtant la qualité est bien présente : une musique d'un autre temps, inquiétante et rassurante à la fois, comme une réponse féminine, plus sensible, finalement plus "pop" (je pourrais encore y trouver du Cocteau Twins mais je ne le ferai pas à chaque fois), à la démarche si hermétique, et ô combien intéressante d'un Leyland Kirby par exemple.

  • Sleeping through The Veil Of The Unconscious, MOTION SICKNESS OF TIME TRAVEL, Digitalis Recordings, 2010 : J'ai découvert ce projet relativement tard mais en suis d'entrée tombé amoureux : les mélodies électroniques de Rachel Evans, une fois apprivoisées ont quelque chose de féerique! Seul hic... la musicienne est difficile à suivre tant elle est productive... et sa légère préférence pour des supports cassettes à tirages limités n'est forcement pas très arrangeante...