lundi 2 juillet 2012

Acte II, PSYKICK LYRIKAH, Autoproduction, Juin 2012 (Par Gagoun)



       Rap français : suite! Un an et demi après vous avoir chroniqué l'excellent album de Zone Libre et ses compères, c'est dans ce même esprit de fusion que m'est apparue une œuvre inattendue, spontanée, brute, écorchée. D'ailleurs doit-on encore parler de rap ici ? De la chanson, de la poésie, du rock, de la noise, du hip-hop, Psykick Lyrikah c'est un peu tout ça à la fois. Depuis ses débuts en 2004, le collectif, qui gravite autour du parolier et poseur en chef Arm, se distingue brillamment de la scène rap française par une plume aiguisée, des instrumentations de grande qualité mêlant les traditionnels sons et beats chers au rap avec guitares électriques, cordes, piano et autres sonorités organiques. Leurs albums se constituent alors autour de longues histoires sombres et touchantes entrecoupées par des morceaux instrumentaux, tout ça au sein d'un tout parfaitement cohérent. Intense ! Parmi ses collaborateurs les plus illustres, on peut noter la participation de Dominique A sur Vu d'ici ou celle plus régulière d'Olivier Mellano, guitariste important de la scène indépendante française ayant travaillé notamment avec ce même Dominique A, Miossec ou encore Yann Tiersen.

       C'est avec ce sculpteur du son qu' Arm pose son flow ici. Une guitare, une voix. Un album enregistré en trois heures qui « clame haut et fort sa liberté, son indépendance et son envie d'en découdre » précisent les protagonistes sur le bandcamp du duo. Le ton est donné. Ceux qui ont eu la chance de se pencher sur l'Acte, premier du nom, sorti en 2007, savent à quel point ce projet, un peu à part dans la discographie du groupe, est intense. Intense, c'est le mot qui revient et reviendra tout au long de cette chronique. Si à l'époque la guitare était toujours mise au service de superbes textes, ici elle est mise au même plan que les textes, toujours aussi beaux. On notera aussi l'apparition de quelques beats minimalistes judicieusement amenés en direct par Olivier Mellano par un tour de magie dont lui seul a le secret. En effet pour avoir eu la possibilité de le voir évoluer sur scène seul avec son projet Mellanoisescape, il m'avait alors subjugué par sa capacité à mélanger le rythme, à superposer les boucles de guitares jusqu'au klimax, à l'atteinte d'un magma sonore à la fois étrange et évident. C'est ça aussi la noise ! Sur cet Acte II, il reprend le même principe et laisse le chant à son acolyte Arm. Les textes de ce dernier sont toujours aussi intenses. Pour les amateurs du collectif, les paroles sont pour la plupart déjà connues et ont déjà été aperçues sur d'autres albums. Mais qu'importe, elles prennent ici une toute autre dimension. Suffit d'écouter "Mes propres appuis" pour s'en convaincre. Le résultat est donc détonnant. Si l'on pense parfois à ce qu'ont fait récemment Zone Libre, Casey et B. James ("Tout s'oublie", "Un geste"), l’œuvre reste singulière, un OVNI dans le paysage musical français. Le son est brut, la guitare fuzze, le flow est trainant, agressif mais toujours fier et digne. Parfois ses paroles sombres se noient dans un mur sonore installé progressivement par le guitariste (''Nous ne sommes pas perdus'', ''A l'origine''). Difficile de respirer. On vous envoie en pleine face 34 minutes de rock sale, de noise brute, d'histoires universelles et dont les mots pèsent lourds, très lourds. Intense, encore une fois... Court mais intense! Une bonne claque en somme!

       Par cette « deuxième parenthèse électrique du groupe […] le duo Arm/Mellano radicalise sa charte » précise le site. Voilà qui est bien résumé. Sans doute l'album le plus jusqu'au-boutiste du collectif jusqu'à maintenant, premier acte compris. Alors amateurs de rap, de rock, de noise, amateurs de découvertes, amoureux de la langue française, passionnés des mots, friands de défouloir, de sincérité et de liberté musicale, jetez-vous sur ce brulot. Intense! Vous l'ai-je déjà dit?


Gagoun

Acte II en trois mots : intense (donc), brut, poésie noise

En écoute intégrale et en achat sur bandcamp (ne bénéficie que d'une sortie digitale) : http://psykicklyrikah.bandcamp.com/

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Acte, PSYKICK LYRIKAH, Idwet, 2007 : Mêmes acteurs, même principe, ce premier acte pose à l'époque les bases de l'album chroniqué ci-dessus. Moins radical, moins « électrique » mais ô combien atypique et touchant, il est aussi un album de chansons, un album où les textes sont mis en valeurs. A cet égard je vous conseille vivement, outre l'album tout entier, de poser une oreille sur ''Patience''. Magnifique...

  • Deux, LUFDBF, Acid Cobra, 2011 : en voici un autre album à part sorti ces derniers temps dans l'Hexagone. Si l'électricité noisy et la rage scandée de « Psykick Lyrikah » n'ont pas vraiment leur place dans l'univers des deux bisontins, on retrouve en revanche, dans cet album, un univers singulier, un réel amour des mots ciselés et un goût prononcé pour le son organique qui font de cette œuvre, une beauté à part au sein du monde musical français. Quelque part entre hip-hop/jazz groovy, slam touchant, rock indépendant, chanson française un brin provocante que n'aurait certainement pas renié Gainsbourg, Lufdbf crée ici une musique qui n'existait pas auparavant au sein d'un album concept de pas moins d'une heure absolument passionnante.  


  • Soigne tes blessures, MONSIEUR SAÏ, Milled Pavement Records, 2011 : Allez un dernier pour la route ! Et pas n'importe lequel : l'uppercut ! « Monsieur Saï » a de la rage en lui, beaucoup de rage. Et il le fait savoir. Le flow est incisif, précis, les instrus sont superbes, détaillées, dérangeantes, vrillées et toutes en fusion encore une fois. Entre efficacité et expérimentations, entre guitares, saxophones, claviers, piano, scratchs et beats qui tuent, le monsieur fait dans la poésie brute, parfois absurde, toujours concrète et terriblement réaliste. Critique sociale, introspection évitant les écueils, on rit jaune parfois, on s'énerve avec lui souvent, on pleure d'autres fois, on est scotché toujours. Un OVNI, encore un...



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