lundi 2 juillet 2012

Hewn From the Wilderness, THE HIVE DWELLERS, K Records, Juin 2012 (Par Riton)



       Sortir en juin un album à l'artwork enneigé (une couche blanche sur des ruches, en pleine forêt) rappelle d'emblée tout le j'en-foutisme dont fait preuve Calvin Johnson depuis le début de sa carrière. Débutée dans les années 80 avec les Cool Rays et surtout les Beat Happening, on ne peut pas dire que le garçon soit de nature à se faire remarquer (et en particulier par chez nous). Et c'est peu dire qu'au delà du mini-culte entonné par ces derniers dès 1982 (la légende veut que Kurt Cobain aie cité Jamboree, album de 1988, au classement des albums préférés), une pelotée de collaborations de rêve et d'amitiés (Built to Spill, Modest Mouse, Jon Spencer, The Microphones...) et la co-création du défricheur K Records, Calvin Johnson sait se faire discret. Depuis quelques temps le musicien aimait à se retirer dans son fameux Dub Narcotic Studio d'Olympia, pour produire les groupes de son label, mais également jouer au DJ sous le nom de Selector Dub Narcotic, expérience solo dub-cradingue (résidu de quelques très bons disques d'indie rock funky sortis en groupe entre 1995 et 2003) avec laquelle il enregistre les Dub Narcotic Disco Plate : une série de vinyles constitués en face A d'un morceau inédit de copains, de Old Time Relijun à Mount Eerie, en passant par Atlas Sound et Lake, et en face B d'une version remixée par ses soins.

       Visiblement atteint d'un ténia musical, de démangeaisons post-carrière solo (2 albums exclusivement sous le nom de Calvin Johnson en 2002 et 2005), l'artiste retente l'aventure en groupe à partir de 2007 en compagnie des Sons of the Soil pour une "compilation live de ses plus grands tubes", puis en 2009 avec les Hive Dwellers. Quelques tournées plus tard voici le premier album, principalement constitué de morceaux déjà bien rodés sur les routes : Hewn From the Wilderness.

       Une chose est sûre, c'est que la nonchalance du rythme de ses sorties ("j'en fais beaucoup mais je le montre peu") va de paire avec le semblant d'ennui décélé dans sa grosse voix de crooner pantouflard (imaginez un Sinatra ou un Anka, peignoir-charentaises et tas de vaisselle négligemment accumulé) et tout le bancal de compositions qui ont fait recette en terme de savoir-faire Lo-fi. Rien de bien nouveau à priori : garage rock minimaliste, dégoulinant d'analogique, à l'instabilité parfaite, l'impression de dégringolade potentiel à chaque de coin de note. De quoi repousser les plus réticents face à une relative carence en originalité qui cependant s'estompe au fil de l'écoute. On reprend confiance le temps des histoires d'une certaine Trudy ("A Woman Named Trudy"). La basse commence à ronronner, à l'ancienne, et continue sur sa lancée avec un "Tell-Tale Heart" dansant et rock'n'roll. Calvin Johnson se lache et chatouille l'octave supérieure à force de petits cris. "Get In" et son énumération de pathologies et caractères divers et variés ("Antisocial", "Coward", "Alcoholic", "Birth Defect", "Porn Addict"...), réadaptation d'un single de 2010, n'est pas en reste d'un certain groove. Nostalgique, mais en aucun cas morose, la musique des Hive Dwellers respire parfois l'atmosphère de bals de fin d'année d'antan à l'ambiance inégale ("Sitting Alone at a Movies").

       Hewn From the Wilderness est encore une fois pour Calvin Johnson une façon de nous dire qu'il fait ce qu'il veut et surtout ce qu'il sait faire de mieux, quitte à ne pas trop l'ébruiter (la politique de K Records ne va pas vraiment en faveur d'une précision exemplaire en matière de publication des dates de sorties... au contraire de nombreux labels) mais également une façon pour moi de revenir sur une de mes petites madeleines de Proust musicale, un an après avoir parlé de ma fascination pour la scène de Portland, Olympia, Anacortes & co, au moment de la sortie de California Lite des Key Losers. Calvin Johnson rules, K Records rules!


Riton

Hewn From the Wilderness en trois mots : nonchalant, nostalgique, rock'n'roll

Ecouter un extrait ("Get In"), dans une version live plus que décontractée : http://www.youtube.com/watch?v=3Pwb1vayrlQ 

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • Black Candy, BEAT HAPPENING, Rough Trade, 1989 : Ce n'est vraiment pas pour rien que cet album est cité en référence dès qu'il est question des Beat Happening. L'album du culte par excellence, qui hantera non seulement toutes les sorties futures de Calvin Johnson (jusqu'à ce Hive Dwellers) mais aussi tout un tas d'artistes de l'époque, et un incontournable de la Lo-fi.

  • The Rebels Not In, THE HALO BENDERS, K Records, 1998 : Association de Calvin Johnson et Doug Martsh (Built To Spill), parfait mélange des deux univers, bluffant d'énergie et ce dès l'ouverture par le dèsormais classique "Virginia Reel Around the Fountain" (que l'on retrouve transcendé dans sa version live de Built to Spill en 2000). Un "must have" comme on dit!

  • Ouf of Your Mind, DUB NARCOTIC SOUND SYSTEM, K Records, 1998 : La facette B de Calvin Johnson, sa personnalité la plus funky, quand Dub Narcotic Sound System était encore un groupe à part entière. Groove et sur-saturation au menu! (A noter que l'année suivante ils rencontraient le Jon Spencer Blues Explosion pour le meilleur...et le meilleur)

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