mercredi 2 janvier 2013

Mythologies, ALOONALUNA, Watery Starve Press, Décembre 2012 (Par Riton)



       On nous a rabâché pendant des mois que la fin du monde était proche, que d'une minute à l'autre nous sombrerons : images à profusion, scénarios catastrophes... On a même vu des gens se construire de douillettes forteresses blindées, accrochés comme jamais à la vie (jusqu'à une dame réclamant le câble et l'accès internet à son ''promoteur de l'apocalypse'' pour on ne sait quelle raison... peut-être pensait elle repeupler la terre grâce à Meetic, ou même continuer à lire nos chroniques), des milliers de nouveaux touristes investir le Pech de Bugarach, ou pire encore, André Manoukian prescripteur rock (merci Syfy, vraiment...). Notons qu'à force de se concentrer sur la date D du 21 décembre, personne ne s'est intéressé à savoir comment serait la suite, comme si, survivants aujourd'hui (comme nous l'anticipions hier), nous ne savions pas à quoi nous attendre, sans plans de reconstruction, sans idées de renaissance.... vie, arrêt et on en parle plus... (allez savoir pourquoi cette dame pensait donc pouvoir encore surfer et regarder la télévision...).

       Sans hurler au parachutage de transition, le monde de Lynn Fister lui au contraire ne connaît pas de ruptures. Il évolue, perpétuellement, absorbant ce qui l'entoure... depuis 2010 et les premières envolées de son animal mi-oiseau mi-papillon, l'aloonaluna, flânant ses ailes et son bec autour de mélodies chaleureuses, et de field recordings comme simples fils conducteurs, chaque sortie de ce projet polymorphe, fruit de collaborations régulières avec divers musiciens (la harpiste Caitlinn Dunn, Thierry Penduff, Will Chase, Robbie Goethe et Christopher Fleeger), se nourrit de la précédente pour l'enrichir. Tout comme les va-et-vient géographiques de sa créatrice (naissance en Floride, enfance en Arabie Saoudite et Nouvelle-Guinée, San Francisco aujourd'hui), l'aloonaluna étend en permanence ses migrations... de la folk/pop aux accents psyché de l'approximatif éponyme (A Loon A Luna) à un ambient organique sans cesse repoussé dans ses retranchements. L'art de Lynn Fister se veut plus que jamais guidé par la nature, il en émane. Les synthétiseurs sont aquatiques (particulièrement mis en avant depuis Diadem or Halo?), les réverbérations aériennes et la faune résolument bavarde des captations d'Amazonie de Christopher Fleeger (''Mythology Aluoatta No. 1'' et ''Pelican Cannot Frog''). La musique n'est plus, elle est juste la résonance des éléments (au contraire des Résonances du mois dernier chez Luminocolor, encore bien attirées par la civilisation), également assemblés plastiquement avec grâce (essentiellement des aquarelles et des collages).

       Après avoir dessiné les contours, les décors, les personnages de ce monde, l'artiste expose ses Mythologies, une immersion transcendantal projetée par la nature elle-même, qui s'observe et se régule, construit, déconstruit… en quelque sorte sa façon bien à elle de montrer, du haut de sa jeune discographie, une capacité exemplaire à prendre du recul et renaître (quand bien même le délai entre chaque sortie est extrêmement court : pas moins de trois cette année), au contraire de tous ces prédicateurs crapuleux en mal de sensations.

       Retour en surface et de nouveau l'envie de plonger... heureusement l'aloonaluna revient rapidement en 2013 pour une split tape très ''drone de dames'' (Taxidermy Of Unicorns), avec outre Rachel Evans, que l'amitié et le talent (et de troublantes ressemblances physiques) poussait Lynn Fister à l'hommage au travers du morceau ''Seasons Like Goddess'', les non-moins douées Alicia Merz (Birds Of Passage) et Felicia Atkinson (Je suis le petit chevalier).

Riton

Mythologies en trois mots : organique, immersif, chaleureux


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Bird Milk, ALOONALUNA, Concertina Records, 2010 / Bunny, ALOONALUNA, Hooker Vision, 2012 : Petit tour d'horizon de la discographie d'Aloonaluna au travers de ces deux albums magnifiques. Le premier s'impose réellement comme un savant mélange de mélodies acoustiques (guitare, xylophone...), de chant et de field recordings, alors que le second prend son envol vers l'abstraction et l'utilisation de grosses reverbs.

  • MosaicAERIAL JUNGLE, Hooker Vision, 2010 : Quand Rachel Evans est seule, elle est Motion Sickness of Time Travel. En couple, elle est Quiet Evenings. En 2010, elle est allé s'acoquiner à Brad Rose (The North Sea) pour vingt minutes d'ambient aussi intéressant que ces deux là savent le faire.

  • Covered in Blue ColorsSPARKLING WIDE PRESSURE, Watery Starve Press, 2012 / Stars Are The Light Show, STEPHEN MOLINEUX, Watery Starve Press, 2012 : Deux premières sorties de la structure créé par Lynn Fister... cassettes colorées, artworks soignés et musiciens de qualité. Qu'en dire de plus si ce n'est que ces albums extrêmement confidentiels valent réellement le coup d'oreille, et le coup de pouce à un jeune label prometteur, honorablement artisanal et qui au delà de la musique s'intéresse également à l'écriture et l'art en général.

  • Sub-Aquatic MeditationPANABRITE, Aguirre Records, 2012 : La nature (ici les fonds marins), vue par Norm Chambers et son laboratoire de synthés analogiques... une musique plus figurée, retro-futuriste et méditative, aux croisements de l'ambient, de l'electro et de la new age.

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