samedi 10 août 2013

The Afternoon Exchange, THE AFTERNOON EXCHANGE, Digitalis Recordings, Juillet 2013 (Par Riton)



       Connaissez-vous le rapport entre Asian Dub Fondation, Shamen, Carter the Unstoppable Sex Machine, Bentley Rhythm Ace, Utah Saints, Stereo MC's, Sunscreem et Bomb the Bass? Personne? Oui? Non? ... Et bien tous ces groupes sont britanniques! Reste à savoir pourquoi l'américain Jim Donadio, plus connu sous le nom de Prostitutes, a fait le choix de les mentionner en titres (dans cet ordre là) de son nouvel album. Encore que sa musique, et plus que jamais avec le récent Crushed Interior (et son artwork en friches) sorti aussi chez Digitalis, évoque rapidement la froideur et la grisaille historique d'outre-manche. Sauf qu'ici rien à voir... autant dans les groupes cités que dans la lumière renvoyée par The Afternoon Exchange, en contraste total avec la rugosité et le mécanisme de ses aspirations originelles. Au moment où pour ma part j'aurais le plus tendance à me rapprocher des machines (les climatiseurs avant tout!) que de la nature étouffante, écrasée sous le poids du soleil (on est du Nord ou on ne l'est pas! Je veux bien comprendre qu'on puisse aimer le beau temps mais de là à être aussi trempé en permanence qu'en temps de pluie y'a des limites...) Jim Donadio profite de l'été pour se mettre dans le bain et faire une courte pause dans ses activités. Mais s'il cesse un temps de donner corps et âme (et surtout corps) à l'electro-noise indus il n'est pas du genre à vendre ses fesses pour suivre la tendance.

       Ici il n'est question que de relever la tête, se rapprocher de l'organique comme pour aller au centre-aéré. On est encore loin d'enfiler le maillot mais on se repose. On se repose et on rêve, au départ d'une longue plage monolithique (qu'on aurait pas pensé un jour associée à un groupe comme Asian Dub Fondation...) rapidement immersive. Ce ne sont pas les différentes oscillations de synthés qui vont perturber les compositions... et encore moins la basse, étonnamment très présente (on se souvient à juste titre de son intervention dans Psychedelic Black, sur l'excellent ''Flipped Pieces of Coin''), qui repart comme elle vient et l'inverse. Malgré cela les notes sont discrètes, le son est timide, moins ample que sur les productions drone habituelles. C'est la chaleur ressentie d'un espace confiné, cotonneux, d'un ambient psyché à la sauce bedrock. On sent un certain confort dans la moiteur et l'esprit peu à peu s'évapore... sans pour autant partir très loin, comme semblent nous le rappeler, tout comme la basse, les guitares auxquelles on se raccroche sur ''Sunscreem'' et ''Bomb The Bass''. On a beau rêver on ne traverse que très rarement le plafond de la pièce (pratique pour qui comme moi prendraient facilement des coups de soleil à Charleroi).

       Une bien belle ballade entre éther et terre!! (ou la frontière ténu s'exprime visuellement entre kitsch estival et inconnu troublant... à un détail près la pochette d'un single pour cours de Zumba). Un seul regret : que ça ne soit pas assez long! Un avantage tout de même : c'est rapide à réécouter... alors qu'est-ce qu'on attend?!

Riton

The Afternoon Exchange en trois mots : ensoleillé, rêveur, psyché

Écouter sur le bandcamp (plutôt fourni) de Digitalis : http://digitalisrecordings.bandcamp.com/album/the-afternoon-exchange

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Psychedelic BlackPROSTITUTES, Stabudown, 2012 : La face B antithétique parfaite pour The Afternoon Exchange, sortie un an plus tôt : une dose de psychédélisme sombre et froid (c'est un peu écrit dessus en même temps) qui finit par nous absorber, à coup d'electro minimaliste et légèrement sale.

  • Of PsalmsDATE PALMS, Root Strata, 2010 : Et si on mettait le nez dehors ? Il fait encore plus étouffant avec Gregg Kowalsky et Marielle Jakobsons mais leur ambient psyché aux extraits naturels de paysages arides est pour ainsi dire très prenant. Peu importe la température, il y a les guitares de l'un et le violon de l'autre, doublé du talent de chacun... ça en fait des raisons de rester cramer au soleil.

The Fever Logic L.P, ENSEMBLE ECONOMIQUE, Not not fun Records, Juillet 2013 (Par Gagoun)



       Ce qui est bien avec la musique, c'est qu'on peut voyager sans partir en vacances. Avec quelques sons glaciaux, on pourrait presque se préserver de la chaleur. Ce n'est pas parce qu'on est en juillet, qu'il fait beau qu'on a pas le droit de s'échapper dans une humeur maussade, rêveuse de temps en temps. Pour ces moments, je vous propose cet Ensemble Economique.

       Faut dire qu'il porte bien son nom : épure, répétitions, ambient, éther. Voici comment on pourrait qualifier la musique de Brian Pyle, l'homme qui se cache derrière ce patronyme et donc derrière ce Fever Logic L.P. Le tout est homogène, difficile de distinguer une chanson d'une autre, on se retrouve facilement happé par ces nappes synthétiques, ces boucles rythmiques. Un comportement extatique au milieu de cette cold wave... Et cette voix : envoûtante, majestueuse et mélodique, elle possède le charme d'un serpent hypnotiseur, d'un gourou prêchant son chemin retord et séduisant. Sauf que dans des chapelles comme celle là, on voudrait bien s'y réfugier tous les jours. En défiant toute logique, le ressenti, rien que le ressenti...

       Aussi sous ces couches sonores se cachent de vraies mélodies entêtantes, un aspect pop qui rend accessible et d'autant plus accrocheur l'ensemble, prenant des allures de dream pop en plus de son fil conducteur abstrait et ambient. L'équilibre est parfait, il nous rappelle au bon souvenir de Lee Noble, chroniqué il y a peu dans nos pages. Pas étonnant d'ailleurs que les deux enchanteurs se soient déjà retrouvés sur un split de très bonne facture. Alors voilà, encore une belle sortie pour Not not fun Records qui nous séduit une fois de plus au travers de ces six longs morceaux rêveurs gagnant en finesse et en beauté avec le temps.


       Un échappatoire, un album qui le distingue de ses prédécesseurs puisqu'il nous permet de découvrir la superbe voix de son grand manitou, jusqu'alors caché derrières ses synthétiseurs et autres machines. Alors oui on peut aussi fêter l'été dans le froid et le clair obscur, loin des contrées tropicales. Du moins l'espace d'un instant...


Gagoun

The Fever Logic L.P en trois mots : hypnotique, rêveur, éthéré



Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Psychical, ENSEMBLE ECONOMIQUE, Not not fun Records, 2010 : Toujours fasciné par la psyché humaine, Brian Pyle livre ici une œuvre tout aussi hypnotique, entièrement instrumentale aux accents rythmiques légèrement plus prononcés donnant un côté presque tribal au tout. Fascinant, justement!

  • Motion ForeverENSEMBLE ECONOMIQUE/LEE NOBLE, Hands in the dark, 2012 : le fameux split L.P évoqué plus haut donc ! Quatre morceaux pour Lee Noble, entre ballades éthérées et ambient analogique. Deux morceaux pour Ensemble Economique dont les échos plus synthétiques et les quelques mots osés dans la langue de Molière se marient parfaitement avec l'univers du premier et participent à la cohérence mais aussi à l'évolution progressive d'un tout profondément mélancolique et finalement magnifique.