"En fin de compte, il
s'agit de ramener la musique (ou l'art?) à son premier sens :
construire des relations, imaginer de nouveaux mondes, créer quelque
chose qui n'est pas ici", c'est ce que suggère en premier lieu
le teaser de Moondog Mask, sur fond de "Desert Boogaloo",
l'une des cinq compositions de ce nouvel album de onze morceaux...
Parce qu'une fois n'est pas coutume et en bon groupe "dédicacé
à et inspiré par", la musique de Louis Thomas Hardin se trouve
extrêmement présente dans celles des italiens. Une
musique qui respire le Moondog à plein nez, où les
réinterprétations de titres de l'artiste en disent long sur la
passion et le talent avec lesquels elles sont exécutées! Sauf que
visiblement l'amour d'Hobocombo (probablement une référence au
morceau "Be a Hobo"... non rien à voir avec Charlie
Winston...) porté à son mentor ne se mesure plus en reprises, bien
plus nombreuses sur Now that it's the opposite, it's twice
upon a time qu'ici, mais dans
cette fameuse volonté "d'aller plus loin à partir de" et
de balayer du revers l'appellation de simple tribute band.
Ainsi le trio formé par Andrea Belfi
(batteur de talent du trio de rock instrumental Rosolina Mar, vu aux
cotés de Mike Watt et David Grubbs et cette année avec Aidan Baker
et Erik Skodvin au sein de B/B/S), Rocco Marchi (de Mariposa, aussi
chez Trovarobato), et Francesca Baccolini, a fait le pari de vêtir
le costume du maître avec une nouvelle paire de baskets, appareillé
le rock vicieux de la scène italienne (et le folklore de son pays en
transparence, par l'utilisation de fields de Roberto Leydi), une
patte jazzy élégante et les voyages esthétiques de l'artiste
new-yorkais au look viking. Hobocombo foule la sixième avenue, de
laquelle Moondog voyageait inlassablement au rythme d'instruments
qu'il fabriquait lui-même, d'une science de la composition
d'avant-garde, jazz, classique et d'influences amérindiennes.
Les reprises sont personnelles, les
compositions du Moondog... il s'agit autant de se fondre que
d'actualiser... Comme lorsqu'ils font de "Theme &
Variations" (sur l'album Moondog and his Friends, de
1953) une introduction méconnaissable mais qui ne perd rien de son
intensité ou reprennent le thème de ''To a Sea Horse'' pour en
faire une version électrique totalement prenante et survoltée, où
les siffles tiennent place de chant, la contrebasse et la guitare
substituent le piano d'origine. Quand à "Utsu",
originellement ancré dans la ville (sur On The Streets Of New
York en 1953), il se transforme en exploration sylvestre,
mystique au groove enveloppant poursuit par les oscillations folles
du Korg MS-10. Seuls les canons (''Canon #6 (vivace)'' et ''Canon #18
(adiagetto)'' ) semblent inchangés mais entièrement à leur
place... parfaites interludes vers une americana revisitée, exotique
pour Baltic Dance, aérienne pour Response, détonante
pour Five Reasons, en conclusion rêvée.
Une réécriture ultra libre et
libérée, audacieuse, qui transcende le propos, qui prouve que si
certains ne portent le masque qu'en de grandes occasions, les
Hobocombo portent celui-ci en permanence. Nul doute que si le
prochain album est entièrement fait de compositions, il ne sera que
plus parfait... il ne sera que plus Moondog...
Par
contre, s'il existe un scandale à propos de ce groupe, c'est
d'apprendre au moment d'écrire ceci, que
j'aurais pu les voir le mois-dernier... constat que le plus
magnétique des sons, qui constitue mine de rien le troisième groupe
italien chroniqué sur le blog (après Blue Willa, rencontré le mois
dernier dans un bar lillois pour un excellent concert devant... deux
personnes), ne fera jamais le poids face à une mauvaise stratégie
de communication!
Riton
Moondog
Mask en trois mots : Exotique,
élégant, magnétique
Ecouter
sur bandcamp : http://hobocombo.bandcamp.com/album/moondog-mask
Si
vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Now that It's the Opposite, It's Twice Upon a Time, HOBOCOMBO, Trovarobato, 2011 : Le jour ou tout a basculé! Hobocombo synthétisait en quelques reprises son attachement à Moondog... que des reprises mais un avant-gout remarquable et extrêmement stimulant à ce que Moondog Mask exprime aujourd'hui.
- Elpmas, MOONDOG, Kopf, 1992 : Il serait dommage de ne pas parler d'un album de Louis Thomas Hardin... bien que depuis longtemps installé en Europe, il retourne en 1992 traîner ses instruments en Amérique du Sud (du moins virtuellement), pour un album des plus doux et exotiques, évoquant la foret amazonienne et une conscience politique, écologique, en guerre contre les travers du progrès.
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