mardi 15 avril 2014

Jamais deux sans trois / Mars 2014


Au sens large du terme, THE ONE BURNED MA, Autoproduction


Furieux mélange d'harsh noise et de rock, au sens large du terme...



It's not Jazz, It's Blues, DAGGERS, Throatruiner Records


Ce n'est pas du jazz, mais ce n'est pas du blues non plus! Juste cinq gros doigts belges en pleine tronche...



The Pink Caves, FENSTER, Morr Music


Fenster, Acte II : les grottes roses. Gisements de pop fouillée et grandiose...

dimanche 13 avril 2014

The Little Match Girl, HYDRAS DREAM, Denovali / Debut Ep, ORME, BLWBCK / Mars 2014




       Elle avait tant de mal, la petite fille aux allumettes, à parcourir les rues et à braver le froid. Elle préférait souffrir, quitte à laisser la vie, plutôt que de rentrer et supporter les coups...

       Rien de bien étonnant à voir Anna Von Hausswolf et Matti Bye s'emparer du texte d'Andersen pour le mettre en musique... par filiation géographique, et culturelle, certes... mais aussi parce qu'à force d'accoutumer sa pop en grandes pompes aux accents funèbres, pour l'une, et d'acharner ses talents vers les bandes originales, pour l'autre, il était évident qu'une telle histoire de l'auteur danois du XIXème irait à merveille au duo.

       On sent d'ailleurs tout de suite pour elle une très forte passion, un attachement certain qui confine au sublime. L'écriture est scénaristique, chaque temps fort possède son morceau, minutieux agencement répétitif d'ambient electronique glaciale, post-classique réservé et dream pop. C'est la dernière soirée de l'année et les premières notes sonnent dans la mélancolie (avec une introduction qu'on croirait sortie du Ceremony d'Anna Von Hausswolf...). Tout est voué au désespoir pour l'enfant gelée tiraillée par le climat... les superpositions de voix susurrées (bien loin du maniérisme à la Kate Bush auquel la chanteuse nous a habitué) évoquent les respirations plaintives d'une errance douloureuse. Privée de pantoufles qui ne lui seyaient guère et de clients pour son produit, elle doit être si triste, au milieu des nappes de synthés et des orchestrations sombres. Au contraire tout s'éclaire, à la lueur des allumettes. Il faut bien ça pour se réchauffer. La voix devient plus claire bien que toujours noyée sous les effets. L'atmosphère se fait de plus en plus féerique, au son de cordes joyeuses et de tintements brillants. La petite fille devine les joies des fêtes au delà des maisons et revoit sa grand-mère... Elle sombre, gelée, et la rejoint au ciel... pas de sang, pas d'agonie... le bleu du corps tenant pour état de grâce, un réconfort que la musique, paisible, semble conclure en disant « ce n'est que le début pour cette enfant ».

       En d'autres lieux le garçon au bonnet d'âne a tout l'air de rêver lui aussi... tout comme les membres d'Orme auquel il est lié. Plus connus pour faire grand bruit (avec Sed Non Satia, Ancre, Yoshi Tonku ou Plebeian Grandstand, le plus radical du lot ayant sorti ce mois-ci un nouvel album littéralement renversant...), les musiciens toulousains ont rangé les distorsions et la violence au profit d'apparats acoustiques. Ici ce n'est plus la maîtrise technique qui prime (bien qu'on la sente irréprochable), mais une réelle sensibilité. Le garçon voit plus loin que les murs qui l'entourent... La folk progressive à fleur de peau du quatuor suggère plus que jamais le voyage : le lyrisme envoûtant des accords de guitare et de violoncelle, plus qu'exotiques au milieu des sorties drone et ambient du catalogue de BLWBCK, de plus en plus ouvert (l'electro de Sima Kim le mois dernier, la folk de Jens Boosten en 2013...), et la mandoline, le bouzouki, qui nous propulsent vers les contrées d'Europe de l'est. Elle suggère également, en seulement quatre morceaux, les plus belles promesses pour une suite que l'on espère imminente.

       Allumettes, bonnet d'âne... ici en quelque sorte objets de poésie dans le quotidien, comme peut l'être la musique dans bien des cas et comme le souligne brillamment Hydras Dream et Orme à travers leurs histoire... l'exercice étant qui plus est éminemment moderne, en témoigne aussi les exemples récents... chez Mute, l'inspiration puisée chez les frères Grimm du Ministry Of Wolves (Mick Harvey, Alexander Hacke, Danielle de Piccioto et Paul Wallfisch), ou mieux encore, la belle rétrospective du musée d'Orsay consacré à Gustave Doré « L'imaginaire au pouvoir » et son incroyable force picturale d'illustrations littéraires (entre autres), sombres, tragiques et inquiétantes, de Perrault à Cervantès... Probablement en cela qu'il faudra en 2014 conter sur le disque et la cassette respectifs de nos deux groupes.

Riton

The Little Match Girl en trois mots : rêveur, sombre, mélancolique

Debut en trois mots : rêveur, nomade, folklorique

Écouter un extrait de The Little Match Girl : https://www.youtube.com/watch?v=QGrB6AI_EnM

Écouter l'EP d'Orme : http://orme.bandcamp.com/album/debut

Si vous aimez ces albums, vous aimerez peut-être :

  • CeremonyANNA VON HAUSSWOLF, Kning Disk, 2012 : Passé la surprise de la voix (on aime ou on aime pas... et à porter des t-shirts Burzum l'artiste ne semble de toute façon pas en clin à ne se faire que des amis), la musique d'Anna Von Hausswolf est tout bonnement prenante... pour le peu que l'on apprécie le songwriting tortueux, noir (la cérémonie semble être un enterrement), et surtout extrêmement théâtral.

  • Elephant CastleMATTI BYE, MARTINA HOOGLAND IVANOW, MATTIAS OLSON, Kning Disk, ??? : Visite d'un parc d'attraction abandonné, une atmosphère pour enfants depuis longtemps désertée... glaçant!

  • River ArmsBALMORHEA, Western Vinyl, 2008 : S'il est un groupe dont Orme paraît très proche, c'est bien Balmorhea, dont les voyages acoustiques (de plus en plus post-rock) n'auront jamais été aussi poignants que sur les premiers albums.