Pour le
mois de mai, deux albums particulièrement touchants, et à l'instar
de leurs artworks respectifs, extrêmement dépouillés. Encore une
preuve (ou plutôt deux) qu'il ne faut pas grand chose pour
émouvoir : expérimentations lo-fi à tendance pop ou poésie
folk minimaliste.
Né en
solo à l'initiative d' Alan McCormack afin d'assouvir ses envies de
cassettes bruitistes, de folk bricolée, d'ambient psychédélique et
de résonances lo-fi, Now Wakes The Sea est aujourd'hui un groupe.
Passer d'un à trois musiciens n'a semble-t-il pas altéré le bon
goût ni l'ambition de départ. Pourtant ce qui frappe dans
Bildungsroman (que l'on connaisse ou non le groupe) c'est que tout
semble bien pop à première écoute, bien plus construit et formaté
que ce que le papier annonce (une liste de tags aussi longue qu'une
file d'attente au Cora de Villeneuve d'Ascq à l'ouverture des
soldes...). Pop, oui, c'est indéniable, mais quand se réveille la
mer, elle agite ses secrets.
Ça commence
comme de simples et néanmoins belles compositions de psych-pop
artisanale comme l'on en trouverait chez Elephant 6 (l'empreinte 60's
et la folie en moins), une basse bien présente appuyée par une
batterie discrète, approximative, une guitare légèrement fuzzée
et une voix nonchalante… mais comme le gang américain (dont on
retrouve ce mois-ci les rescapés de Circulatory System, sans rides
supplémentaires, pour un nouvel album) aux multiples ressources,
les écossais ne tardent pas à soulever le kilt. Sous l'innocence se
cache une sensibilité à hérisser le poil des plus imberbes, où
les refrains prennent rapidement l'allure de balades écorchées
(''Scottish Blood Reversal''). Celles-ci finissent par s'imposer...
la folk acoustique de ''Forest Fires'' plombe l'ambiance et relève
le niveau d'émotion, qui ne fera désormais qu'augmenter. Cela
n'empêche pas le potentiel noisy de refaire surface ( loin d'être
surprenant, entre la brève introduction ambient de ''Cuckoo My
Love'' et des petites touches shoegaze...) avec la transition drone
de ''Pictures Stay The Same'', rappelant les boucles d'Hot Cygnet
Tape en 2012, et de s'inviter
jusqu'à la fin, fondu dans la mélancolie que le magnifique et lo-fi
au plus haut point ''No Breath'' clôture merveilleusement... et
c'est effectivement sans souffle, et celui de la bande au creux de
l'oreille, que l'on termine ce disque.
Ce
souffle on le reprendra très vite avec VallEY tant les musiciens du
duo ont avec ce projet considérablement aéré leurs musiques. On y
retrouve bien le côté martial et percussif cher au beatmaker FRKSE,
spécialiste des textures noise et industrielles, ainsi que l'univers
folk du rappeur James P Honey. Mais fidèles à l'ouverture qu'on
leur connaît et l'imprévisibilité d'I Had An Accident, tout cela
prend une tournure aussi inattendue que sublime. Derrière les
collines la douceur prend le pas... le minimalisme et la répétition
dominent : les instrus allégées au maximum de l'habitué du
label (un self titled en 2010 et Scholar Drugs en 2012) et de
sa nébuleuse, accompagne le phrasé de l'artiste emblématique du
regretté Decorative Stamp (l'énorme Murmur Breeze, aux côtés du
français AbSUrd, et A Band Of Buriers) Et l'on progresse lentement
dans un décor où se mêlent terre de rêveries poétiques et ciel
brumeux habité. Plus l'on s'enfonce moins on distingue le chemin,
hypnotisé... peu importe que ce soit si court, puisque la marche en
vaut clairement le détour. Loin des attentes le charme opère à
100 %, la semelle des tympans jamais assez usée après la
réécoute, réclamant au contraire, espérons-le, matière
supplémentaire!
Riton
Bildungsroman
en trois mots : pop, sensible, artisanal
VAllEY
en trois mots : minimaliste, sublime, inattendu
Ecouter
Bildungsroman :
http://nowwakesthesea.bandcamp.com/album/bildungsroman
Ecouter
VAllEY :
http://ihadanaccident.bandcamp.com/album/valley
Si
vous aimez ces album vous aimerez peut-être :
- Fluotexine Morning, NOW WAKES THE SEA, 2012, Autoproduction / You Are An Atlas, NOW WAKE THE SEA, Autoproduction, 2012 : Premiers albums avec Alan McCormack pour seul maître à bord, une bedroom folk particulièrement sale et aventureuse, où le drone n'est jamais bien loin. Beaucoup plus brute que Bildungsroman, en toute logique.
- Filth, A BAND OF BURIERS, Decorative Stamp, 2012 : James P Honey a bien ralenti le flow après l'excellent Foreshore Reverie de Murmur Breeze (qu'on ne conseillera jamais assez). Il rappe encore mais chante aussi, pour un disque plus boisé, acoustique, empli de cordes... une excellente folk alternative rappelant que la direction prise avec VAllEY est plutôt cohérente.
- FRKSE, FRKSE, I Had An Accident / Cooler Than Cucumbers, 2011 : Beatmaking sombre et expérimental pour celui qui, sous le nom de Rajbot, vient avant tout de le scène Hip Hop. On en retrouve les rythmiques, piégées dans l'inquiétude labyrinthique des drones, des bruits et d'atmosphères venues tout droit de l'imaginaire indien. Le suivant, Guilt Surveillance, est tout aussi terrible!