mercredi 12 novembre 2014

Jamais deux sans trois / Juillet - Août 2014


Wilderness Of Mirrors, LAWRENCE ENGLISH, Room 40



Reflets amplifiés de talent drone...



Galaxxxian, DJ QBERT, Autoproduction



Turntablism de génie pour retour en forme...



The Ninth Door, WIZARDS TELL LIES, Jehu & Chinaman



Les sorciers ne mentent jamais sur la noirceur...



Meshes Of Voices, JENNY HVAL & SUSANNA, SusannaSonata



Ces deux là ne partagent visiblement pas que blondeur et nationalité norvégienne...



For God Is A Flowing, Ebbing Sea, MESTA, Autoproduction



Rien que pour l'hommage à Gavin Bryars...



DNMF, DNMF, Autoproduction



Messieurs Dead Neanderthals et Monsieur Machinefabriek ont un fils...

samedi 1 novembre 2014

Orange Co. Serenade, DANIEL BACHMAN, Bathetic / Silence Is a Rhythm Too, MATTHEW COLLINGS, Denovali / Juillet 2014 / Flashback Blues, C\/\/\/\, Odd John Records / Things Haven't Gone Well, MUSIC BLUES, Thrill Jockey / Août 2014






       A défaut d'être vraiment chaud, l'été a été étonnamment très beau... musicalement parlant. Faut dire que d'habitude la période n'est pas la plus propice, injustement boudée par les artistes et/ou les auditeurs. Cette fois je n'ai pas eu à beaucoup secouer le tamis pour y trouver les pépites.

       Cette belle ruée vers l'or débute en Virginie, dans le comté d'Orange, où Daniel Bachman nous conte son Amérique. Un homme, une guitare et une technique de vétéran à 24 ans seulement approchant de plus en plus de ses héros dans le jeu du traditionalisme folk envoûtant, de l'acoustique instrumental qui se suffit à lui-même pour raconter des histoires. Une technique brillante de jeu aux doigts, de slide et d'harmonies délicieuses : dextérité et émotion au même plan nous tiennent captifs à en oublier les notes... le musicien se joue des résonances et de l'esprit guidé par un bagage ambient et les lumières de Jack Rose et de Pelt. Le style a fait du chemin depuis une Sacred Harp plus imprécise ou même Grey-Black-Green, au point de se permettre, en bel hommage, de conclure la sérénade, tout comme John Fahey sur Days Have Gone By, avec un ''We Would Be Building'' magnifié. Désormais il faudra compter sur un Daniel Bachman et à une atmosphère qui tient autant de campagne que de spiritualité, lorsqu'il s'agira de parler d'American Primitive Music!

       Il est moins question de notes mais tout autant d'émotion avec Matthew Collings. Silence is a Rhythm Too... Pas question de le contredire sur ce qui sonne à la fois comme un manifeste et comme la correction de ce qui pouvait manquer à son (tout de même très bon) premier album pour en faire une expérience entièrement intense. Difficile de se faire aux tentatives pop, chantées, et l'ensemble prolixe en mal de texture, en connaissant le potentiel déballé avant ça par l'artiste en duo. Et ce qu'on peut dire c'est que la promesse est en tout point respectée! Les instruments s'écoutent et se laissent parler, et le silence s'invite au gré des crescendos d'orchestrations de cordes, converse avec les chuchotements bruitistes et les percussions électroniques. Post-classique, ambient, electro sensible au commencement, l'album verse peu à peu dans une angoisse aux touches darkjazz et une mélancolie dont la puissance atteint enfin les étincelles des collaborations avec Talvihorros et Dag Rosenqvist... mélancolie parfaite pour introduire celle du mois d'août.

       Deux blues différents entraînés par des pertes: un père pour Chris Weeks, un ami pour Stephen Tanner. En mal d'inspiration et cafardeux, chacun s'en remet au passé.

       Sous sa nouvelle casquette (CWM, pour Chris Weeks Music), Chris Weeks évoque le temps du tout analogique, lorsque les boites à rythme étaient vraiment des boites, ou lorsque DJ set ne rimait pas avec laptop. Il mêle avec talent nostalgie musicale et souvenirs d'une enfance bien lointaine, déroule une électro lo-fi sonnant comme les échos d'automates, cliquetants comme les pluies et autres fields des quelques plages ambient flottant entre chagrin et rêves d'évasion. Une belle synthèse entre le drone magnétique produit sous le nom de Chris Weeks et l'IDM de Kingbastard, un disque électronique de génie qui se boit comme du sirop, bien dispensé des jeux de pistes et des promos en ballon pour être un des meilleurs de l'année!

       Et on s'enfonce dans la dépression avec Stephen Tanner, en panne d'inspiration pour l'écriture d'un nouveau Harvey Milk. En résidence chez le chanteur et guitariste Creston Spiers, il traîne le deuil d'un de ses meilleurs amis, Jerry Fuchs, batteur de !!!, Turing Machine ou encore Maserati. Il se néglige, a perdu l'envie de se raser et de laver les joues, accumulant les fins de clope au coin du lavabo. C'est cet état d'esprit qui fera émerger un premier album solo des plus grandioses : il donne toujours dans le sludge/doom, mais dans une veine bien moins furieuse, dont la lourdeur et le rythme extrêmement ralenti en disent long sur sa tristesse. Itinéraire d'une vie plombée, passage en revue des épisodes marquants du musicien, de sa naissance prématurée le 17 août 1971 à aujourd'hui et l'accouchement douloureux de ce disque sombre, désolé et terrifiant, sans démanchés, sans accélérations... mais aussi extrêmement épique, cinématographique et accrocheur, au son si gras et jouissif que n'importe qui d'un poil musicien et amateur de rock rêverait d'avoir à la maison!

       Effectivement un bel été!

Riton

Orange Co. Serenade en trois mots : spirituel, technique, envoûtant

Silence Is A Rhythm Too en trois mots : mélancolique, angoissant, étincelant

Flashback Blues en trois mots : nostalgique, magnétique, cafardeux

Things Haven't Gone Well en trois mots : dépressif, doooooom, cinématographique

Écouter (et voir) un extrait d'Orange Co. Serenade : http://vimeo.com/92197907

Écouter en partie Silence Is A Rhythm Too : http://matthewcollings.bandcamp.com/album/silence-is-a-rhythm-too

Écouter en entier Flashback Blues : http://chrisweeksmusic.com/album/flashback-blues

Écouter un extrait de Things Haven't Gone Well : https://soundcloud.com/thrilljockey/music-blues-91771

Si vous aimez ces albums, vous aimerez peut-être :

  • Apparitions At The Kenmore Plantation, SACRED HARP, Autoproduction, 2010 / Grey-Black-Green, DANIEL BACHMAN, Debacle, 2011 : Premier album avec l'alias Sacred Harp et premier sous son propre nom (séparé d'un seul album, Feast Of The Green Corn)... Daniel Bachman y est bien moins précis, plus drone, lo-fi et psychédélique, mais déjà très prenant.

  • Luck In The Valley, JACK ROSE, Thrill Jockey, 2010 : Album posthume sorti un an après la disparition du musicien et référence en terme de country envoûtante, partagée entre tradition américaine et inspiration orientales. L'artwork est de plus signé par Daniel Bachman!

  • Splintered Instruments, MATTHEW COLLINGS, Fluid Audio, 2013 / Wonderland, MATTHEW COLLINGS & DAG ROSENQVIST, Hibernate, 2012 : A vouloir en mettre trop et notamment d'inclure du chant à sa musique, Matthew Collings n'aura pas réussi à me satisfaire entièrement sur ce Splintered Instruments, qui pourtant regorge de beaux moments. L'année d'avant, sa collaboration avec Dag Rosenqvist aura au contraire offert une magnifique odyssée anxyogène à deux guitares (et tas d'autres instruments bruitistes), littéralement fascinante!

  • The Lost Cosmonaut, CHRIS WEEKS, Odd John, 2013 / Subspace, KINGBASTARD, Odd John, 2013 : Drone spatiale, errance solitaire, et IDM rétro-futuriste... deux autres albums brillants de Chris Weeks, tous deux sortis chez Odd John.

  • My Love Is Higher Than Your Assessment Of What My Love Could Be, HARVEY MILK, Yesha Inc., 1994 : Hey oui ! Un disque qui a 20 ans aujourd'hui, sorti alors que le groupe n'était encore qu'un duo. Stephen Tanner était déjà de la partie, avec Creston Spears et Pauly Trudeau (qui quittera le groupe par la suite), et Harvey faisait un sludge noisy de catacombe, sombre, désespéré, qui ne manquait pas de se faire rock'n'roll et aventureux. Terriblement génial!